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LA POESIE D'ANTOINE CARROT

"Réceptacle des désirs passés
Que l'on accroche par complaisance
Au portemanteau des oublis.

Ainsi l'automne après l'été
comme un fil de rivière où fleurissent
Les feuilles mortes de ce qui fut
Et des nostalgies plus subtiles
Portant sur des sentiments même pas exprimés.

Une ombre dont je ne sais la couleur
Suit notre démarche avec impertinence
Double notre ombre qui n'est déjà qu'un reflet
De l'épaisseur que nous croyons avoir.

Le feu rêverie confuse
Brise le temps des horloges
Offre une ouverture de lumière
A ces enchaînements du non dit
Qui nous prennent dans leur prière.

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Expert-comptable, installé dans le Beaujolais, il possédait aussi une maison en Haute-Loire à laquelle il était très attaché. Antoine Carrot estimait que les chiffres et les lettres ne sont pas incompatibles.

"Ce bon vivant n'est jamais loin du désenchantement, ce nostalgique pose sans cesse ses regards sur l'aube nouvelle, ce silencieux ne cesse d'appeler les mots à son secours. Mais contradictions ou alternances ne sauraient être fardeaux, même si "l'âme pèse lourd" dans ses incertitudes, elles sont essentielles paradoxalement pour nourrir une simplicité qui est la clé même de sa prodigalité poétique. Mais la nostalgie, qui suppose l'enracinement et l'attachement, veut dire aussi solitude, la solitude de l'homme, cet "arbre seul planté comme un poignard / dans la chair émouvante de la colline heureuse". 
Contradiction douloureuse de celui qui veut à la fois se taire et parler, qui ne sait si le silence n'est pas précisément parole, s'il n'y a pas "des chemins sans issue au-delà des mots dits". L'expression de ce doute fait toute la beauté de ces poèmes car de ces incertitudes naissent d'étranges concordances que non seulement peut vivre l'amoureux ou le mystique, mais superbement révéler cet autre déraisonnable qu'est le poète au nom de tous les hommes : "et d'une différence affichée / par les contradictions de l'âme / fuse un poème de murs et de certitude".
L'affirmation de cette certitude a peut-être pour racine "L'espoir d'un éblouissement au bout des routes", ou plus modestement, l'attente ou mieux les "patiences multiples" qui permettent déjà d'entrevoir la lumière attendue : "Le plomb de la pensée avant l'or des naissances". Si l'homme est à la fois le "geste et le refus", c'est qu'il est libre devant les diverses "propositions" qui se présentent à lui, et la proposition d'espérance n'est pas la moindre. Nous la voyons persister et survivre à toute désillusion. Alors le geste, peut-être même le simple geste de celui qui écrit, peut apporter "des cueillettes imprévues" ou donner "un secours de sel aux fadeurs des jours". Certes "l'austère et le prodigue" s'unissent dans sa poésie pour nous apporter ce secours, même s'il nous engage, en homme qui sait activement s'attacher aux peines humaines pour les apaiser, à "fermer les livres pour peser le poids du présent". Ouvrons cependant les siens et faisons nôtre un de ses vers, en substituant, s'il nous le permet, le mot poème au mot silence : "Parfois d'un poème découle une gratitude absolue".
Marie-Ange Sebasti, Jalons. 

"Si des activités professionnelles et bénévoles importantes l'ont empêché de publier davantage, l'écriture était pour lui de toute évidence le sel des jours, ou une véritable respiration, la vie même. Construire une oeuvre, allonger sa bibliographie, ne lui semblait pas une absolue nécessité. Il a cependant laissé, préparés pour la publication, de nombreux recueils tout en privilégiant largement la publication dans les revues. Ce que j'aime à appeler une généreuse simplicité caractérise l'homme et son oeuvre, comme elle caractérise, me semble-t-il, la ville de Saint Etienne [dans la Loire], où il vit le jour le 9 juin 1922, où il passa sa jeunesse et fit, dans le journalisme, ses premiers pas d'écrivain. Cette cité est à la fois sérieuse et joviale, active et nourrie de la nostalgie des villages vellaves où ses enfants, tel Antoine Carrot, plongent leurs racines. Et c'est bien là que se trouve la véritable patrie du poète, au coeur de ces montagnes du Velay où il repose désormais, et surtout dans cette omniprésente métaphore qu'est le village : "Je feuillette un village avec les soins extrêmes Que nécessite sa simplicité".
Marie-Ange Sebasti, juin 1997, extrait de l'hommage rendu par l'association des auteurs et écrivains Lyonnais.

La voix d'un poète stéphanois : Antoine Carrot par Marie-Ange Sebasti qui propose dans ce texte des éléments bio et bibliographiques, les principaux aspects de sa poésie, à l'appui de nombreuses citations, tout en suggérant ce que dit cette œuvre de la poésie même.


Antoine carrot, quelques poèmes. Michel Baglin 


Antoine Carrot est décédé le 4 septembre 1996.

ACTIVITÉ LITTÉRAIRE

De 1946 à 1950

Il publie des poèmes dans différentes revues dont le Mercure de France. Il mène une activité journalistique dans le Micro de L'Ardèche, le Moniteur, le Populaire de la Loire, Cahiers du nouvel humanisme. Il publie en 1946 un premier recueil de poèmes Premiers matins qui est couronné par l'Académie Française.

 

De 1950 à 1976

Par suite d'obligations professionnelles importantes, il suspend presque complètement ses publications bien qu'il continue à écrire pendant cette période.

 

De 1976 à 1996

Il publie ses poèmes dans de nombreuses revues : Plein Chant, Cahiers Froissart, Laudes, Lieux d'être, Texture, Noréal, Jalons, Soleil des loups, Coup de soleil, A contre silence, Artère, Verso, La vie, Dossiers d'Aquitaine, Rétroviseur, ARPA, Friches, Cahiers de Poésie, Le nouveau gong, Passage, Cri d'os, Lefoudulire international (n° spécial France-Hollande), Poèmes épars, Art'en-ciel et Comme en poésie. Belgique : Spantole, Regart, Marginales.

En 1976, il publie les poèmes de l'Arbre Seul qui couvrent une vingtaine d'années.

Pourquoi l'Arbre seul ?

Parce que l'homme, comme un arbre, puise ses forces dans la terre.

Parce qu'épouvantail ou phare il domine les falaises abruptes.

Parce qu'il est seul devant les grandes forces naturelles, devant les autres, devant ses problèmes. Mais pas de pessimisme destructeur, définitif puisque "Au balancier de cuivre perle une seconde petite chose insignifiante éblouissement O chant du monde".

BIBLIOGRAPHIE

Premiers matins, 1946 

L'arbre seul, 1976

Des croix sur le mur, dessin de Nicole Spay, Les poètes de Laudes, 1987

Qu'en toi demeure, préface de Marie-Ange Sebasti, illustration de Paul Siché, Gerbert, 1995

L'ourisse suivi de villages, illustration de Daniel Chantereau, La Bartavelle, 1996

Les Silencieuses, préface de Marie-Ange Sebasti, illustration de Paul Siché, La Bartavelle, 2002

Le fil du chemin, préface de Paul Gravillon, illustration de Paul Siché, Aléas, 2003

Chemins de sel, préface de Marie-Ange Sebasti, illustration de Dominique Daguet, Cahiers bleus, 2004

Soir d'hiver, gravure de Bernadette Planchenault, Empreintes, 2004

Nocturne, préface d'Anne Lise Blanchard, Librairie-galerie Racine, 2005

Bételgeuse sur les encres de Jackie Plaetevoet, collection Suspensions, 2006

Quatre mains du vent, préface Alain Wexler, illustration Jean-Christophe Schmitt, Jacques André éditeur, 2007

Dans l'illusion de l'aube
, préface Dominique Daguet, Cahiers bleus, éditeur ZurfluH, 2009

Silence habité,  préface Marie-Ange Sébasti, Cahiers bleus, 2017 

D'ombre et de vent, préface Valérie Canat de Chizy, L'harmattan, 2017 

LECTURES

 

Au Carré Trente, Macly, Mardis d'Isabelle, bibliothèque de Lyon 7e et maison des écritures (abandon des sources)

Galerie Jean Louis Mandon

 
Il reste de nombreux recueils d'Antoine Carrot inédits :
L'arbre nu, Saisons grises, Les équinoxes de l'homme, Mes chants de préférences, Le sang des choses, Partage du temps, L'âme frileuse...

REVUE DE PRESSE

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